Micro-nouvelle écrite pour répondre à un défi voulant que l’on écrive un court texte à partir de cette image.
Lorsqu’il s’allongea sur son transat, au bord de sa piscine toute neuve, il se laissa envahir avec délectation par un sentiment de plénitude qu’il n’avait pas ressenti depuis des années. Il posa au sol le verre de whisky qu’il venait de se servir ; un élixir de trente ans d’âge, vieilli dans un fût trois fois plus âgé et conservé au fond d’une antique distillerie perdue sur une ile écossaise. Il ferma les yeux et imagina les vagues océanes se briser sur les rochers de cette ile lointaine ; il pouvait presque entendre le vent souffler sur les landes arrachant à la tourbe des effluves sauvages.
— Je suis bien, pensa-t’il.
Il se demanda comment il avait pu vivre si longtemps au cœur d’un ville bruyante, polluée et surtout au milieu de toute cette foule. Ici, dans sa nouvelle maison où il venait d’aménager, la veille, profitant du silence et du clapotis de l’eau de sa piscine qui, bien qu’ils ne ressemblassent pas aux vagues écossaises, faisaient naitre en lui un sentiment de paix dont il avait rêvé chaque matin pendant des années, en prenant son bus.
— Trente ans ! pensa-t-il. Trente ans derrière un bureau, à ne regarder que mon écran d’ordinateur (ce qui était toujours mieux que la tronche de sa collègue dont il pouvait admirer, dès qu’il levait la tête, les épaisses lunettes accrochées à quelques verrues purulentes ; ce à quoi elle répondait toujours avec un large sourire aux dents jaunâtres). Putain, j’ai été con ! Comment peut-on accepter de vivre ainsi, sept heures par jours pendant des années. J’aurai mieux fait de tuer ma collègue, au moins en prison j’aurai eu plus d’espace !
Mais de l’espace il en avait maintenant. Une maison de deux cents mètres carrés, un jardin de mille cinq cents mètres, et cette piscine. Loin de tout et de tous. Enfin !
Il respira profondément, et s’abandonna à un repos bien mérité. Il laissa ses muscles se relâcher, ne remarqua pas que son index droit trempait dans son verre de single malt, et se dit que le Paradis devait ressembler à ça !
Après quelques minutes de pur bonheur, un bruit étrange vint briser sa torpeur. Il entrouvrit légèrement les paupières et aperçu la haie qui séparait son havre de paix de celui de son voisin, bouger d’une façon étrange ; comme dans ses films où un monstre géant s’approche du héros en se frayant un chemin à travers la jungle.
Il se redressa et se concentra sur les mouvements saccadés de la haie. Il sentit alors son cœur paniquer, une sueur aussi soudaine que massive inonda son visage, le doigt dans le verre se mit à trembler.
Devant lui, au milieu des plantes, des yeux énormes derrière d’épaisses lunettes le regardaient. C’est alors qu’il reconnut le sourire jaune !
— Salut collègue ! dit l’étrange créature. Quelle surprise ! Nous sommes voisin !