Parlons I.A

En 2025, j’ai participé à un salon du livre où j’ai eu un échange très intéressant avec un autre auteur qui s’interrogeait sur l’intérêt des I.A. Il est vrai que, de plus en plus, il m’arrive de voir sur les réseaux un « auteur » (je mets volontairement des guillemets) se vanter d’utiliser l’I.A pour écrire. Comprenez : se contenter de prompter une vague idée et de laisser la machine rédiger un texte intégral à sa place.

Je ne suis pas totalement opposé à cet outil qui, j’en suis persuadé, une fois qu’une législation claire et précise verra le jour, offrira de nombreux services dans de nombreux domaines. En attendant, il nous faut malheureusement faire avec une machine dont l’usage ne respecte ni les droits d’auteur ni, de fait, l’humain. La condamnation récente d’une entreprise chinoise pour usage et diffusion d’images issues d’une I.A sans créditer les véritables auteurs est un exemple qui, non seulement, est à suivre, mais qui devrait se généraliser, je l’espère.

Il est bon, en effet, de rappeler qu’en l’état, une I.A ne crée pas, n’invente pas… Elle ne fait que compiler des éléments existants déjà, copier ce que d’autres ont déjà fait. Et ces autres, ce sont des humains : les vrais créateurs, les artistes.

Dès lors, un « auteur » qui se contente de signer une œuvre intégralement, ou même partiellement, générée par I.A peut-il se prévaloir du titre d’« auteur » ? À l’évidence non ; car au-delà du fait, évident, qu’il n’a rien créé, le texte qu’il revendique n’est pas le sien, mais bien inspiré d’autres, copié dans les pages des véritables écrivains. On m’a fait remarquer que si l’I.A avait existé au XIXᵉ siècle, Victor Hugo ou Émile Zola l’auraient sûrement utilisée. Soyons clairs : on n’en sait rien. Un argument qui réinvente l’histoire par simple imagination ou conviction ne tient pas ; mais admettons quand même l’hypothèse.

Ma conviction est simple : si nos grands auteurs avaient utilisé l’I.A, il me semble évident qu’aujourd’hui on ne se souviendrait ni d’eux ni de leurs livres. Pourquoi ? Pour une raison simple : chaque écrivain possède un style qui lui est propre ; un style forgé au fil des années par la propre histoire de l’auteur, son vécu, ses émotions, son éducation, son milieu, son métier, ses fréquentations, etc. Bref, par sa vie. Une I.A ne connaît pas cela, et ne le connaîtra jamais. Tout au plus, peut-être, finira-t-elle par se forger une expérience personnelle à l’aune des prompts pour lesquels elle aura été sollicitée, mais rien de comparable avec un véritable vécu humain.

Une écriture humaine s’alimente des bonheurs et des souffrances de l’écrivain, pas une écriture de machine… Autrement dit, si Hugo ou Zola avaient usé de l’I.A, leurs styles respectifs auraient été gommés par la machine, uniformisés par ce manque de vie et de vécu. Bref, Hugo ou Zola auraient écrit des textes identiques, sans distinction, sans ce style qui fait les grandes œuvres, la vraie littérature.

Ce qui est rassurant — façon de parler — c’est que, finalement, ces pseudo-« auteurs » qui se contentent de signer une œuvre sans âme finiront dans l’oubli et sans lecteurs, faute d’originalité, faute de ce qui fait la force de la littérature. Et ce débat peut également se faire pour tous les véritables créateurs, quel que soit l’art aujourd’hui menacé : l’illustration, le cinéma, le dessin animé, la photographie…

Je suis persuadé que, l’humain n’étant pas si idiot, ce dernier finira par revenir vers les vrais artistes, à minima pour s’assurer de la légitimité et de la véracité de ce qu’il lit ou regarde. Mais, en attendant, que de dégâts ! Nous allons entrer dans une ère où tout sera remis en question. On ne croira plus les images, on ne s’intéressera plus aux textes. Les chaînes d’infos et les journalistes ont du souci à se faire… Quant aux artistes, à eux de jouer carte sur table en affirmant haut et fort qu’ils n’utilisent pas l’I.A, que leur style est bien le leur et préservé de leur humanité.Personnellement, j’affiche un petit logo sur mon site, expliquant que mes textes ne sont pas générés par ces machines. Doit-on imposer une réglementation permettant aux lecteurs ou spectateurs de savoir si l’œuvre qu’ils lisent ou regardent a été générée par un humain ou une machine ? Comme on informe le consommateur des qualités nutritives de ce qu’il achète en supermarché ? Je le crois. Et il y a urgence à ce que cette réglementation arrive.Malheureusement, il me semble que nos « penseurs politiques », dont on se demande parfois s’ils n’abusent pas eux-mêmes des I.A pour prendre des décisions à leur place, ont d’autres chats à fouetter. Alors, auteurs, prenez les devants et revendiquez que vous n’utilisez pas l’I.A, avec sincérité et sans mentir (cela se verra, ou se lira).

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